Vers l'Unique, la Perfection d'Amour d'Harmonie et de Beauté, le Seul Être, Uni à toutes les âmes illuminées qui forment l'incorporation du Maître, l'Esprit Guide   Murshida Sharifa Goodenough   Vers l'Unique, la Perfection d'Amour d'Harmonie et de Beauté, le Seul Être, Uni à toutes les âmes illuminées qui forment l'incorporation du Maître, l'Esprit Guide

 

 

 

Soufisme d'Occident - Murshida Sharifa Lucy Goodenough

Soufisme d'occident.

Introduction et traduction : Michel Guillaume

La Colombe.
Edition du vieux colombier.

Paris, 1962

85 Pages 

Disponible

 

Murshida Sharifa, forte d'une expérience mystique authentique acquise sous la direction du grand Maître Soufi que fut Hazrat Inayat, nous confie son point de vue concernant les problèmes et les difficultés que nous rencontrons dans notre vie quotidienne à la recherche de notre âme.

Il s'agissait à son contact, non pas de philosophie spéculative ou de dialectique ésotérique, mais d'une expérience intérieure simplifiante et en même temps rayonnante et qui échoyait à ceux qui venaient chercher près d'elle la chose la plus précieuse du monde : la vérité dans la sagesse.

 

 

Depuis un demi-siècle, l'attitude du public vis à vis de la mystique a beaucoup changé. De suspecte, celle-ci est devenue intéressante, attirante même. Ainsi voit-on certains esprits se tourner vers l'Inde comme vers une source de spiritualité vivante avec ses hommes dieux et ses canonisés vivants. D'autres examinent avec plus d'attention leurs propres traditions religieuses pour entendre à nouveau le message clamé par la voix des Saints au long de l'histoire. Chez les uns et chez les autres se manifeste un même souci, un même désir : celui de voir refleurir la mystique, celui de la voir revivre dans le monde d'aujourd'hui, parmi tous les hommes, parmi nous.

C'est d'ailleurs là une nécessité vitale si l'on comprend que toute civilisation a été construite et maintenue contre vents et marées par ses hommes spirituels. N'ont-ils pas été, avant même toute préoccupation philosophique ou théologique, l'incarnation de sa loi morale ? De cette loi qui, éclose dans le sentiment religieux, devient comme la matrice des forces de civilisation ?

Un Soufi contemporain, Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan (dont il sera souvent question dans les pages suivantes) déclarait aux environs de l'année 1925, que l'humanité d'aujourd'hui pourrait surmonter les menaces qui pèsent sur elle en retrouvant deux choses : la conscience profonde de la solidarité qui existe entre tous les hommes, et la conviction qu'à travers chaque être humain c'est Dieu qui, en fin de compte, se manifeste.

Cette réalité indubitable de la solidarité humaine, un certain nombre de sociologues, d'historiens et d'hommes politiques commencent à la percevoir et à la proclamer : là où l'on souffre, où l'on meurt, là où l'on est opprimé dans ses biens matériels ou dans ses convictions spirituelles, là aussi se manifestent des troubles, des difficultés qui finissent à la longue par corrompre et gâter la collectivité entière des fils d'Adam.

Mais qui peut illustrer d'une manière plus éclatante la proximité de l'homme et de Dieu sinon le mystique ? C'est lui qui est précisément le témoin manifeste du Royaume de Dieu établi sur la terre. Ce livre a justement pour but de présenter les idées directrices d'une mystique soufie dans la perspective indiquée en ces dernières lignes, car Murshida Sharifa Goodenough avait approfondi cette réalité intime durant de longues années d'ascèse, avant de nous livrer l'essentiel de son message.

Qui est-elle donc ?

Distinguée en ses manières, Lucy Goodenough (25 Août 1876 8 mars 1937) le fut aussi par la naissance et par l'empreinte de l'esprit. Apparentée aux Habsbourg par sa mère, elle manifesta très tôt un intérêt passionné pour la psychologie de l'être humain et la vie de l'âme. Cependant, elle ne rencontra qu'en 1910 celui qui devait exercer sur elle l'influence la plus profonde, Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan, philosophe et mystique soufi. En cet homme exceptionnel qui savait susciter l'élan vers un idéal élevé en tous ceux qui l'approchaient, elle reconnut son Murshid, son maître spirituel. Lui-même sut distinguer en cette âme d'élite qu'était Miss Goodenough cette disposition particulière à la vie intérieure que la grâce divine accorde à certaines personnes, don précieux et rare que l'on ne rencontre pas souvent, même en Orient.

Il l'initia au Soufisme et lui confia très vite des responsabilités de plus en plus importantes dans le groupe qu'il avait fondé de personnes initiées à la mystique des Soufis. Entre autres tâches, c'est en grande partie grâce à elle que l'on doit la transcription de l'enseignement oral de Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan « sous une forme exempte de toute corruption » comme il se plaisait à le reconnaître lui-même en faisant l'éloge de sa collaboratrice.

A la mort du Maître, en 1927, elle était « Murshida » sous le nom de « Sharifa », c'est-à-dire qu'elle s'occupait d'enseigner les disciples dans la voie mystique des Soufis. Elle incarnait à la perfection l'esprit de négation de soi propre à l'aspirant dans la voie spirituelle, à tel point que sa propre personne disparut devant l'idéal que représentait pour elle son « Murshid » Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan. Par la suite, elle montra dans sa manière exemplaire de vivre l'esprit du Soufisme, jusqu'à quel point l'on peut s'élever dans l'état spirituel grâce à un continuel effacement de soi.

Cependant, cet effacement même entretenait autour d'elle comme un nimbe de silence et n'attirait pas les foules : peu d'êtres arrivent à comprendre que la spiritualité intense et profonde ne s'annonce pas au son du tambour. Par ailleurs, Murshida Sharifa possédait par nature un tempérament d'ascète. Malgré la bienveillance foncière de son caractère, cette prédisposition, soutenue par la réserve britannique et aussi par son éducation dans une famille de rang social élevé, ne la rendait pas d'un abord facile. A part la présence de quelques disciples et de quelques respectueux amis, elle vécut dans la solitude. Elle fut seule pour tenter de maintenir l'esprit véritable du message de Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan, au milieu des déviations inévitables qui suivirent la mort du Maître.

Seule pour faire front devant les inimitiés, que son attitude d'intransigeante fidélité au « Murshid » lui valut alors parmi les membres du Mouvement Soufi. De cette hostilité, comme de cette déviation, elle souffrit intensément, mais elle montra à ceux qui la suivaient ce qu'étaient le pardon et l'oubli des injures.

Durant cette période très difficile qui correspond aux dernières années de sa vie, son rayonnement était loin d'échapper à tous ceux qui la connaissaient. M. de Cruzat Zanetti, « Executive Supervisor » du Mouvement Soufi écrivit ces lignes significatives, après la mort de Murshida Sharifa :

« J'ai pu, par mes observations personnelles au cours de nombreuses années, acquérir la conviction que personne n'a jamais été plus qu'elle en intime communion de pensée et d'objectif avec Inayat Khan. »

Et plus loin :

« Combien cet esprit si admirablement développé et ces traditions d'excellente éducation manqueront aux réunions futures du Mouvement Soufi ! La sérénité avec laquelle elle assistait à ces réunions, souvent sous l'assaut d'attaques aussi sottes de contenu qu'impardonnablement vulgaires de forme, était une leçon, montrant à quel degré de perfection peut atteindre une intelligence disciplinée et un esprit qui se maîtrise. Son cerveau était un des organes les plus fins que j'aie jamais eu le privilège de rencontrer. Je l'ai vue, sans préparation, répéter dans les termes mêmes la relation de notes égarées d'une réunion remontant à une année de date, qui, comparée ensuite au compte rendu officiel, se trouva rigoureusement exacte. Et cependant, à chacune de ces réunions, elle pouvait donner l'impression d'être distante, comme détachée du sujet traité. Ce fait peut servir à illustrer, par un exemple visible, que les méthodes des mystiques aboutissent à rendre plus aigus et plus puissants les instruments que Dieu nous a donnés pour agir sur le plan de l'existence terrestre. »

Il est difficile d'exprimer pleinement ce qu'elle fut pour ses disciples, ce que son aide leur apporta. Au moins, pour tenter de cerner d'un dernier trait l'esquisse de sa noble figure, transcrirons-nous ici, ce qu'écrivit l'un de ceux qui l'approchèrent :

« Nous ne reverrons plus un être qui lui soit semblable, mais au-delà du temps et de l'espace, nous trouvons dans les chefs-d'œuvre de l'art, son expression et ses gestes. De merveilleux portraits de prêtres japonais, la montrent dans son recueillement ; des sibylles de Michel Ange, lisant et prédisant l'avenir, irradient sa forme spirituelle ; des saints de Giotto et de Vivarini, libérés de toute pesanteur terrestre, pleurant la mort du Christ ou se penchant sur l'Enfant Jésus, c'est encore son expression qui rayonne, des rayons de son grand amour. Non seulement dans les belles images d'autrefois, mais aussi dans les vers des plus grands poètes, nous retrouvons votre figure, Murshida Goodenough. Shakespeare, qui vous était cher, a esquissé votre portrait :

« Beauté, vérité, rareté
Grâce, en toute simplicité » »

Ayant compris le Message donné par Pir o Murshid Inayat Khan et son exacte portée comme peu d'êtres l'ont compris, Murshida Sharifa le traduisit dans sa parole et dans sa vie. Cette vie demeure avec ses disciples, elle est pour eux l'exemple et le chemin de la perfection spirituelle. Sa parole, on en trouvera ici quelques aspects, tirés des conférences qu'elle prononça dans ses dernières années.

Puisse cette parole intéresser le lecteur.

Murshida Sharifa, après son maître, Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan, propose du Soufisme une conception universellement humaine. Certains s'en étonneront. D'autres seront déroutés par ce soufisme qui s'évade délibérément de tout cadre traditionnel, se libère de toute confession, est exempt de couleur locale, n'utilisant pas ou très peu le vocabulaire spirituel classique des Soufis.

Pourtant il ne s'agit pas d'une dépersonnalisation, car, par-delà l'extrême dépouillement des apparences, on prendra contact avec une pensée à la simplicité d'épure, une pensée qui mène très loin. Ceux-là qui l'auront goûtée reconnaîtront la sincérité d'une expérience vécue et l'accent d'un témoignage authentique.

Conception universellement humaine, avons-nous dit. Que représente le Soufisme pour l'Ecole de Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan ? C'est avant tout une éducation de l'être, éducation qui ne vise pas seulement à développer les facultés de l'homme d'une manière harmonieuse, à exalter ses qualités propres afin de lui permettre de vivre une vie qui ait une valeur totale pour lui et pour les autres. Mais cette éducation lui permet surtout de tirer les voiles qui enveloppent son âme afin qu'elle puisse s'éveiller d'elle-même à la plus haute réalité accessible.

Point de spéculation dans cet enseignement, s'il contient quelque philosophie, elle est tirée de l'expérience en vue d'une pratique vivante. S'il suscite quelque sentiment religieux, ce n'est pas dévotion aveugle, mais lumière qui éclaire, fortifie et guide l'intelligence en vue d'une compréhension plus intime de la vie en nous et hors de nous, qui est Manifestation Divine.

Rien qui s'oppose donc à aucune religion révélée. Le Soufi les révère au contraire, comme les notes indispensables qui concourent à l'expression de la musique du Créateur. Tel nous apparaît, d'après Murshida Sharifa, le Soufisme de Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan. Il s'offre comme un ensemble harmonieux, susceptible d'enrichir ceux qui se sentent attirés par lui.

Michel Guillaume.

 

 

 
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