La Psychologie qui est "apprise par l'analyse et la synthèse de tout ce que nous pouvons percevoir dans la nature humaine et dans notre caractère" peut être comprise en trois parties. En premier il y a "l'aire du mental", car "l'homme est son mental". Quand Hazrat Inayat Khan commença ses séries de conférences sur la psychologie, il se peut qu'il ait surpris son auditoire par les sujets qu'il avait choisis: la suggestion et le magnétisme. Mais il indique par-là l'importance des influences que reçoit l'homme et la manière dont celles-ci forment son caractère et sa personnalité. Dans des enseignements antérieurs concernant l'aire du mental, ces influences avaient déjà été expliquées quant aux manières diverses et variées dont elles viennent à l'homme. Il y a un second aspect de la psychologie qui concerne la vie de l'homme et de la femme au milieu du monde, parmi leurs prochains, avec leurs obligations et leurs responsabilités. Cet aspect a trait à la formation du caractère de la personne et comment l'on peut faire de sa propre personnalité un objet d'art. On peut appeler cet aspect de la psychologie "l'art de la personnalité". En troisième lieu, comme le corps et le mental sont les instruments par lesquels une personne fait l'expérience de sa vie, il s'ensuit que la santé du corps et du mental est un sujet important, de même que la nécessité de l'art de la guérison. "La santé est l'ordre du corps et du mental". Michel Guillaume
La philosophie place l'homme à l'apogée de la création, au centre de cet univers dont il porte également la graine en lui. La psychologie, elle, nous montre l'homme vivant dans cet univers, entouré de myriades d'autres êtres qui vivent, vibrent et s'expriment, recevant et émettant ces innombrables vibrations qui l'attirent, qui le repoussent, qui l'influencent et avec lesquelles il doit faire sa vie. « Le corps humain - dit Pîr-o-Murshid Inayat Khan - est un appareil émetteur-récepteur de radio. Si ses sens, son mental, étaient ouverts pour recevoir, il recevrait non seulement tout ce qui vient du monde autour de lui, mais aussi du monde plus proche, autrement dit du monde intérieur. De sorte que même des expériences telles qu'entendre quelque chose, voir quelque chose ou percevoir une odeur, ressentir de la dépression ou le besoin de rire sans raison, toutes ces choses sont des phénomènes prouvant que l'homme est un vivant appareil radio. » Cela ouvre un grand champ de réflexions sur nous-mêmes et rappelle que la psychologie est « la compréhension de la cause et de l'effet dans toute chose, dans chaque action. » Le domaine de la psychologie peut être divisé en trois parties : l'une représente ce côté « vivant appareil radio » et « le monde mental », la seconde concerne la personnalité humaine, sa construction et son développement, ainsi que l'art de vivre dans ce monde. Un troisième aspect concerne la santé du corps et de l'esprit. Le premier aspect de la psychologie, qui représente ce côté « vivant appareil radio » et le monde du mental, peut s'appeler L'Aire du Mental, car : « Le mental est une aire par laquelle sa propre substance, comme vibrations et atomes, produit des imaginations, des pensées, des sentiments, des inspirations et des révélations ». Hazrat Inayat Khan dit ensuite que cette aire a deux ouvertures, l'une vers l'extérieur, l'autre vers l'intérieur. Ces deux portes sont généralement ouvertes des deux côtés, à moins qu'on ne les ferme par la force de la volonté. De la porte vers l'extérieur entrent les besoins et les désirs des sens et les impressions, bonnes et mauvaises, du monde extérieur. Par l'autre porte entrent intuitions, inspirations et révélations. En se groupant d'après leurs ressemblances et leurs attirances, elles produisent des pensées, des imaginations, des sentiments, des idées. « L'échange entre ce qui vient des deux directions fait qu'elles se heurtent les unes contre les autres et, comme celles qui viennent de l'extérieur sont plus denses et se réalisent plus vite, elles effacent celles qui viennent de l'intérieur. De là vient une confusion pour décider entre ce qui est bien et ce qui est mal. Quand nous sommes capables de nettoyer l'aire et de fermer la porte vers l'extérieur nous pouvons être en communion avec l'Etre Divin. » Ces quelques paroles donnent l'essentiel : ce qui entre dans le mental et par quelle ouverture, ce qui est produit dans le mental et comment nous pouvons maîtriser cette production si notre volonté contrôle l'ouverture et la fermeture des deux portes.
Hazrat Inayat Khan explique encore comment il se peut que notre volonté soit souvent mal dirigée. Si l'on représente le mental comme un pont entre l'âme et le corps : « Le mental forme des images semblables à des nuages qui, comme un voile plus ou moins épais, séparent une extrémité du pont de l'autre. Une extrémité serait fermée, et la faculté constructrice d'images du mental regarde ses images et leur résultat dans le monde extérieur, au lieu de regarder, d'écouter et de recevoir l'impulsion de l'âme. C'est l'un des aspects les plus difficiles dans l'étude de l'homme par l'homme. » L'expression et le contrôle des impulsions, des sentiments, des pensées sont un grand sujet dans l'étude du monde du mental. Ce monde nous est décrit comme une terre fertile. L'homme, le voyageur dans cette vie, projette le plus souvent sans y faire attention, ses pensées, ses sentiments, ses paroles, qui tombent comme des graines dans cette terre du mental où ils s'enracinent et croissent. La vie est une accommodation qui prend soin de ces graines, jusqu'à ce que les plantes produisent fleurs et fruits d'après leur caractère. La pensée devient un être vivant qui, une fois créé, suit son chemin jusqu'à ce qu'il ait atteint son but. Il est aussi dit que le monde du mental est comme un dôme résonnant de toutes les voix qui se sont imprégnées sur l'univers, comme des sons gravés sur un disque. Ces voix sont les paroles, pensées et sentiments qui, une fois émis, continuent à résonner dans le dôme de cet univers, produisant de multiples échos. Ces voix forment le « langage cosmique » qui, bien que non audible, est perceptible et tous reçoivent l'influence de ce langage consciemment ou inconsciemment. Le monde mental nous est encore dépeint comme un « Palais de Miroirs », un monde de réflexions, où le mental est « un miroir réfléchissant des images-pensées d'un miroir à un autre » et « dans ce phénomène de réflexions chaque personne est exposée à tous les miroirs... C'est un pays de miroirs qui est un phénomène vivant - vivant parce que les miroirs sont vivants ». L'homme est vivant et donc créateur. Le mental et le cœur sont vivants ; ils ne retiennent pas seulement l'impression, mais ils créent quelque chose d'une nature semblable. Ainsi l'impression de succès produit du succès et l'impression d'échec produit de l'échec, et « le cœur qui détient la réflexion d'une rose trouvera des roses partout ». La réflexion aussi « devient comme une graine et porte fleur et fruit selon sa nature et son caractère ». Une pensée de peur non seulement projette la peur mais crée en même temps un objet à craindre. Ce monde du mental doit ainsi être un monde incommensurable où vit une infinité de choses que nous avons créées ou que nous avons fait entrer, intentionnellement ou automatiquement. Il est encore dit que ce monde est notre royaume et que nous en sommes responsables. Qu'est donc ce mental ?
Hazrat Inayat Khan dit :
Dans un des Gathas il est dit : Toutefois, ce mental inexplicable nous a déjà été dépeint dans plusieurs tableaux donnant des vues diversifiées sur son univers, afin que nous puissions avoir une lueur de compréhension de cette importante partie de notre être. Et Hazrat Inayat Khan poursuit en nous détaillant les divers aspects du mental. Son aspect n'est pas ce qu'une chose est vraiment. L'aspect est la forme sous laquelle cette chose se présente. Nous la percevons sous cette forme et cela nous permet d'en avoir une certaine idée, mais ne nous permet pas forcément d'en saisir la réalité. L'exposé des différents aspects du mental nous permet donc d'en obtenir une certaine connaissance, et nous ne devons pas être étonnés s'ils ne sont pas toujours décrits dans les Cahiers de la même façon. Les aspects le plus souvent mentionnés sont la pensée, la mémoire, la raison, le sentiment, l'ego. Encore un autre aspect est décrit comme la volonté. Puis en parlant du mental et du cœur il est dit qu'ils sont les deux côtés d'un même aspect : le mental la surface et le cœur la profondeur. « Comme on peut connaître la surface du cœur par les imaginations et les pensées, ainsi l'on peut connaître la profondeur du mental, qui est le cœur, par le sentiment. » Sur la première marche menant « vers l'autel de la divine sagesse » le mental est dit être un moule que l'âme acquiert dans la sphère des djinns, moule qui est complété sur la terre. Cet état du mental est aussi comparé à un canevas qui n'a pas encore été brodé. La broderie du canevas est faite par les impressions qui entrent dans l'aire du mental ; et là nous abordons la deuxième marche, le domaine de la psychologie. Lorsque Pîr-o-Murshid Inayat Khan commença à parler de psychologie, il choisit comme sujets la suggestion et le magnétisme, deux sources de fortes impressions sur le mental. Le plus souvent quelque chose nous est suggérée, soit par l'extérieur, soit par nous-mêmes, sans que nous y fassions attention. Le mental, automatiquement, admet la suggestion, qu'elle nous fasse du bien ou qu'elle nous fasse du mal. Mais « votre vie se développe avec chaque impression que vous recevez », explique Hazrat Inayat Khan. Il importe donc de comprendre quelles suggestions nous seront bénéfiques et lesquelles agiront contre nous, « de comprendre ce qu'est le travail automatique du mental et quelle différence il y a entre celui-ci et le mental allié à la volonté ». Hazrat Inayat Khan dit à ce sujet : « L'activité dirigée par l'intelligence est la volonté. Quand il n'y a aucune intelligence qui guide l'activité, il y a une impulsion aveugle. Quand il n'y a aucune activité il n'y a pas de volonté. ... La volonté devrait augmenter à un point tel que chaque action naturelle du corps, du mental et du cœur soit contrôlée de près. Il n'y a aucun sentiment, pensée ou action que l'on puisse appeler indésirable, mais cela le devient lorsque c'est hors de contrôle. Chaque mot devrait sortir ayant ses rênes entre nos mains, chaque sentiment devrait se manifester chaque fois que nous le permettons. » Pour cela il faut avoir la maîtrise du mental, car sans ce contrôle « l'homme est impuissant à accomplir le but de sa vie ». Le mental lui a été donné comme un moyen par lequel l'âme pourra faire pleinement l'expérience de la vie, la vie extérieure et la vie intérieure, par les deux ouvertures du mental. Hazrat Inayat Khan donne l'image fort suggestive du bateau. Le mental est le bateau exposé aux vagues et soumis au vent qui souffle. Les vagues sont nos émotions, pensées et imaginations, et le vent représente les influences extérieures que nous devons rencontrer. Ce bateau a besoin d'une ancre : c'est l'objet de notre concentration qui l'immobilise. Par ce moyen nous le contrôlons. Mais le bateau n'est pas fait pour rester immobile, il est fait pour aller d'un port à un autre. Il ne doit pas rester enchaîné à un port. Il doit « répondre au vent qui l'emmènera vers cet autre port, et ce vent est le sentiment que l'âme reçoit du côté spirituel de la vie. Sentir ce vent aide à avancer vers ce port qui est notre destin à tous. ... Alors le mental, entièrement concentré, doit devenir une boussole qui pointe toujours vers la même direction. Une personne dont l'intérêt va de mille côtés n'est pas encore prête pour voyager dans ce bateau. C'est celle qui n'a qu'une chose dans l'esprit, toutes autres choses étant secondaires, qui voyage de ce port vers cet autre port. » C'est ainsi que l'on voyage vers le port auquel nous sommes tous destinés. « Ce voyage est appelé mysticisme ». Le canevas du mental, décrit sous l'angle de la philosophie, nous a mené vers sa broderie, sujet principal de ce thème « psychologie ». Et maintenant cette « deuxième marche vers l'autel de la sagesse divine » montre la suivante : le mysticisme. Pîr-o-Murshid Inayat Khan a dit : « La totalité du mysticisme, de l'ésotérisme, est basée sur l'idée de la concentration. » L'exercice de la concentration est indispensable pour la maîtrise et le contrôle du mental, et nous trouvons ce sujet dans plusieurs cahiers : « Comment garder le mental des pensées perturbatrices grâce au pouvoir de la concentration ? » ; « Comment garder nos pensées loin des choses terrestres ? » ; « Comment rappeler à notre esprit la pensée de Dieu ? » ; « Savoir se concentrer est tout savoir ».
Nous trouverons aussi que « la concentration mystique mène vers la
réalisation du 'moi' véritable », car C'est pourquoi la concentration veut dire « changer l'identification de l'âme ». Toutes les pratiques de concentration, contemplation et méditation nous mènent à acquérir la conscience de ce que nous sommes en réalité, une conscience plus claire, plus vaste, plus vraie de ce que nous sommes, car « Nous tous, nous sommes ce dont nous sommes conscients. Un homme en prison est conscient de la prison, quelqu'un qui a beaucoup d'argent à la banque et n'en sait rien, est pauvre en dépit de sa fortune. Nous avons seulement ce dont nous sommes conscients. Par conséquent, notre grandeur ou notre petitesse, la hauteur ou la bassesse de ce que nous atteignons dépendent de notre conscience. Et même devenir une âme illuminée n'est qu'une différence de conscience. » Comment savoir ce qu'est cette conscience ? Hazrat Inayat Khan répond : « La conscience est l'élément divin, la conscience est notre partie divine ». Dans le cahier n°5 de Philosophie, il est dit qu'avant la manifestation une Conscience surgit de l'Absolu, une Conscience d'existence, et du développement de cette Conscience d'existence est issue toute la manifestation. Dans le cahier n°3 de Psychologie, nous trouvons que « la Conscience est de l'Intelligence pure, imprégnée par une certaine idée ; c'est de la conscience parce qu'elle est consciente de quelque chose ». Ensuite Hazrat Inayat Khan explique : « La sphère de cette Conscience est l'Absolu. Il n'y a aucune partie de la Conscience qui soit comme découpée pour l'homme, mais l'homme en occupe une certaine portion qui n'est pas séparée, mais s'étend seulement aussi loin que lui-même peut s'étendre. Pour lui, l'Absolu entier peut être sa conscience. Par conséquent, pour ce qui est de l'extérieur il est individuel, mais en réalité vous ne pouvez pas dire ce qu'il est. C'est cette idée à laquelle il est fait allusion dans la Bible où il est dit, « Soyez parfait comme votre Père au Ciel ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Que la Conscience absolue est le signe de la perfection, et que vous n'en êtes pas exclus. Tous se meuvent et vivent en elle. Seulement, notre horizon s'étend aussi loin que l'horizon de notre propre conscience. » Et là nous arrivons au seuil du mysticisme. Parlant de l'expansion de la conscience Hazrat Inayat Khan dit : « Deux ailes sont toujours considérées comme un symbole mystique. C'est le symbole de la conscience, et quand les ailes sont ouvertes, elles signifient l'expansion de la conscience. Ce qu'on appelle le déploiement de l'âme est l'expansion de la conscience. Par conséquent, pour tout ce qui concerne la religion, l'occultisme, la philosophie, le mysticisme, en quelque voie que vous preniez, si vous désirez avancer dans le voyage spirituel pour atteindre le but spirituel, il vous faut passer par l'expansion de la conscience. » Et Hazrat Inayat Khan ajoute : « C'est tout comme venir au contact de la présence de Dieu, quand notre conscience est devenue si légère et libérée qu'elle s'élève et plonge et touche la profondeur de notre être. C'est le secret de tout mysticisme, religion et philosophie. » L'âme qui est la vie même ne dépend pas du corps et du mental pour son existence, mais « afin d'être consciente d'elle-même de son véritable être, l'âme a besoin du corps et du mental ». Les yeux qui voient toutes choses ne peuvent pas se voir eux-mêmes, à moins qu'ils ne soient reflétés dans un miroir. « Ainsi, afin que l'être véritable soit manifeste, ce corps et ce mental ont été faits comme un miroir, afin que dans ce miroir l'être véritable, l'âme, puisse se voir et réaliser son être indépendant ». Cette qualité de miroir du corps et du mental est donc à développer et à cultiver, et avant d'aborder la troisième marche « vers l'autel de la divine sagesse » l'étude de la psychologie est complétée par L'Art de la Personnalité et la Santé du Corps et du Mental.
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