Fondement historique
Y eut-il un moment dans l’histoire où le mouvement que l’on appelle soufisme apparut ? Les soufis eux-mêmes disent volontiers que le premier sage réunissant autour de lui des compagnons qui cherchaient la sagesse fut le premier Soufi. Néanmoins le nom de soufis fut donné tôt dans l’Islam à quelques mystiques parmi les musulmans qui se réunissaient en confréries.
Il y a aujourd’hui un grand nombre de ces confréries. Chacune prend le nom du grand Maître qui lui donna une impulsion particulière. Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan – Soufi Inayat Khan – appartenait ainsi à la confrérie Chishtia, florissante en Inde, dont l’introducteur dans ce pays fut Moïn-ud-Din-Chishti, au 12e. siècle de notre ère.
Chaque maître (Pîr ou bien Murshid) reçoit à son tour, génération après génération, l’investiture du maître qui le précède, formant ainsi avec tous ses prédécesseurs une « chaîne » ou silsila. Chaque silsila est réputée avoir reçu, et donc transmettre, la bénédiction de Mohammed, le Saint Prophète de l’Islam, par l’intermédiaire de son disciple Ali.
Hazrat Inayat Khan reçut à son tour l’investiture de son murshid, Syed Abou Hashim Madani, qui le reconnut comme Pîr-o-murshid, ou Grand-Maître, dans l’Ordre des Chishtis. Ce faisant, il lui donna la mission particulière « d’harmoniser l’Orient et l’Occident, car il était doué pour cela par Allah. »
Il partit donc pour les États-Unis en 1910 et c’est là qu’il commença sa mission, avant de s’engager dans une vie itinérante qui le mena dans de nombreux pays d’Occident.

Originalité de l’enseignement soufi de Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan
C’est un Soufisme universel. « La grâce est pour toute âme, car toute âme quelle que que soit sa religion ou sa croyance, appartient à Dieu », disait Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan. Son enseignement est donc non-confessionel, ne privilégie aucune religion, et ne considère évidemment pas comme nécessaire une conversion à une autre religion ou croyance particulière que celle que l’on a déjà.
C’est un soufisme qui ne s’attache pas exclusivement au côté mystique du développement de l’homme. Il met l’accent sur le développement harmonieux de toutes ses possibilités, et de tous les aspects de sa vie personnelle et sociale, mais ce développement est cependant centré sur sa vie spirituelle.
Son enseignement est respectueux de toutes les opinions et appartenances religieuses, certes, mais il tend à développer, chez ceux qui s’y attachent, la religion du cœur. Celle-ci consiste à « voir Dieu dans le cœur de l’homme », dans son propre cœur et dans celui des autres. Respecter et comprendre le sentiment d’un autre en est donc le premier pas.
Le Message Soufi
Beaucoup pensent que le message soufi vient d’Orient. En réalité, il vient de Là-Haut, ni d’Orient ni d’Occident. Des gens de tous les horizons se sont unis pour servir Dieu et l’humanité.
Le mot Soufi vient du grec Sophia, qui signifie sagesse ; en Perse, on dit Sufia. La sagesse naît du cœur, sa source est divine, tandis que l’intelligence est terrestre. Beaucoup ont une « sagesse » limitée et passagère.
Le soufisme, ou sophia, est cette sagesse divine cachée dans le cœur. Elle porte différents noms comme Vedânta ou Bible, mais reste toujours soufisme. Ce terme désignait des lieux d’étude de la métaphysique, la contemplation de Dieu et la charité. Ce n’est ni une secte ni une religion, mais l’essence de toutes.
Soufisme et religions
Aucun prophète n’a voulu que ses disciples soient exclusifs ou méprisants. L’histoire montre que la religion a souvent divisé, causant guerres et conflits issus d’autorités cherchant pouvoir et contrôle. Pour les Soufis, ces divisions n’existaient pas ; ils combattaient ce qui séparait l’humanité en sectes et nations ennemies.
Depuis Abraham, les soufis furent les premiers à accueillir tous les Messagers divins. Ils formaient des groupes de sages accueillant chaque Messager, comme Jésus et Muhammad, avec sympathie. Après Muhammad, les soufis avaient des institutions en Orient, Inde, Chine, Perse, Arabie et Égypte. Grâce à eux, hindous et musulmans vivaient en paix. Là où règne la paix entre croyances, c’est souvent par la sagesse soufie, fondée sur la réalisation de Dieu, source et but de tous.
Aujourd’hui, malgré réformes sociales et politiques, haine et préjugés persistent entre peuples et religions. C’est pourquoi des personnes de diverses croyances et nations ont formé une fraternité. Chacun garde sa religion, ses églises, ses écritures et son Maître, car le Message Soufi ne demande pas de changer de foi ; il aide à mieux la comprendre. Il enseigne que la religion doit être ouverte à la tolérance, l’amour et la sympathie dans toute la vie.

Le Message Soufi offre surtout la réalisation de Dieu, non seulement par la croyance, mais par la connaissance et l’accomplissement de notre vie. Beaucoup perdent foi face aux épreuves, comme après une guerre. La croyance seule ne suffit pas , la connaissance de Dieu est essentielle, acquise non par l’étude, mais par une méthode appelée culte intérieur.
Un processus de purification
« Soufisme » vient de l’arabe « safa », qui signifie purification. La pureté signifie être naturel et son absence s’éloigner de la nature.
On croit souvent que la spiritualité signifie apprendre, devenir parfait, obtenir des pouvoirs ou vivre des expériences surnaturelles. Le Soufisme ne promet rien de tout cela, bien que rien ne lui soit impossible. Ces choses sont accessibles, mais ne sont pas son but. Par le Soufisme, on découvre sa vraie nature. Ainsi, on comprend la nature humaine et, par elle, celle de la vie.
Le Soufisme, c’est connaître son être, le but de la vie et comment l’atteindre. L’humanité souffre car elle n’est pas elle-même. Rien ne peut répondre à cette objectif si ce n’est ce processus transmis par les sages, qui guide vers la découverte de soi.
Un équilibre entre connaissance intérieure et extérieure
La sagesse héritage divin de l’humanité est universelle. La connaissance intellectuelle n’en est qu’une part ; une autre vient de l’intérieur. Ceux qui perçoivent au-delà des sens apprennent à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. L’homme oscille entre matériel et spirituel, créant un sentiment d’incomplétude. Même les plus avancés ressentent un vide, faute d’une connaissance qui rendrait leur être complet.
Il en va de même pour la connaissance extérieure et intérieure, qui rassemble des expériences ancestrales dans le Mental Divin. Comment y accéder ? Comme une branche tire sa sève des racines, nos âmes dépendent d’un Mental Divin unique. Toute connaissance est en ce Mental, accessible consciemment ou non, différente de celle du monde extérieur.
Comme la vue demande deux yeux et l’ouïe deux oreilles, la sagesse réclame un équilibre entre connaissance intérieure et extérieure. Pourtant, certains s’absorbent trop dans l’intérieur, rêvant d’illusions. Le but est l’équilibre : sagesse et vérité naissent de là. Celui éveillé aux lumières intérieure et extérieure vit plus pleinement et est plus utile.
Malgré les progrès, le monde moderne est désordonné par la perte de son équilibre. On ignore souvent le monde intérieur, le trouvant insignifiant. Pourtant, c’est ce qui compte dans la vie ou la mort. Alors naît la quête de soi : “Qui suis-je si la mort m’emporte ? Si je suis plus que cela, je veux le découvrir.” Comment ? En regardant à l’intérieur, car nous voyons trop l’extérieur. Il faut plonger en soi. En fermant les yeux, le monde intérieur se révèle.
La sagesse du message Soufi s’acquiert ainsi, par la communication avec le monde intérieur. Ce message n’apporte ni doctrines, ni nouvelles idées, ni promesses de richesse ou miracles. Il n’offre pas une nouvelle religion, mais une vision plus large de la vie, une attitude. Finalement, le bonheur intérieur est le meilleur chemin vers la paix et l’accomplissement.
Le dévoilement de l’âme
Le Soufisme est à la fois philosophie ou mysticisme. Ce dernier est un moyen, non une fin, par lui, on atteint notre objectif.
Le Soufisme offre une vision et une écoute au-delà des sens, permettant de voir et d’entendre sans yeux ni oreilles. Cette faculté demande foi et patience, l’âme doit être prête à persévérer pour la développer.
Souvent mal comprises, la clairvoyance ou clairaudience sont confondues avec des prétentions vaines. Tout le monde n’est pas prêt à ce don, qui pourrait ne pas leur être utile. Si l’on voulait voir et entendre ainsi, serait-on prêt à en supporter les conséquences ? C’est pourquoi on parle de mysticisme : avant d’être prêt, il ne faut ni voir ni entendre car prêter attention à cette faculté empêche de progresser.
Dès l’apparition de ce don venant de l’Être divin, l’homme est responsable. Celui qui le possède reçoit un secret sacré qu’il doit garder. S’il n’est pas préparé, il n’en tirera rien. En effet, une personne qui voit trop peut être submergée, incapable de gérer tout ce qu’elle perçoit.
Le Soufi accepte ce qu’il voit et entend, mais aussi ce qu’il ne perçoit pas, apprenant la résignation sur son chemin spirituel.
Quelle préparation est nécessaire ? Une préparation morale, mais pas au sens habituel. Il s’agit de respecter l’amitié et les relations humaines, en considérant les lois des autres plutôt que ses intérêts. Comprendre cette morale permet de voir l’âme d’autrui. Tant qu’on perçoit l’autre comme séparé, la vision est fausse. Le Soufisme avertit de cela. Une fois conscient, l’âme se dévoile naturellement et on entend et voit de plus en plus.
Dialogue soufi
Qu’est-ce qu’un Soufi ?
Quelqu’un qui ne se sépare pas des autres pour des questions d’opinion ou de dogme dans la réalisation que le cœur humain est le sanctuaire de Dieu.
Qu’apprend le Soufi ?
A se défaire de son faux égo afin de découvrir le Dieu au-dedans de lui-même.
Qu’enseigne le Soufi ?
L’Harmonie
Que cherche le Soufi ?
Le Divin
Que voit le Soufi ?
La Beauté
Que donne le Soufi ?
Son amour à toutes les créatures
Qu’obtient le Soufi ?
Un pouvoir toujours grandissant d’aimer
Que trouve le Soufi ?
DIEU
Et que perd le Soufi ?
Son « moi ».