Thème Philosophie

La première marche menant à l’autel de la divine sagesse

L’esprit et la matière

En explorant les thèmes abordés par Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan dans ses conférences, regroupées sous le terme de philosophie, on remarque qu’ils se concentrent sur le mystère de l’esprit se transformant en matière.

Progressivement, l’esprit devient dense, se matérialise, puis réintègre cette matière en lui-même. L’esprit anime la matière temporairement, créant une multitude de formes. Évoluant en matière mais incapable d’y rester, il finit piégé dans sa densité et doit chercher à s’en libérer, retournant à son état d’origine, libre de toute substance.

En termes philosophiques, on peut résumer cela simplement : tout provient de l’esprit et y retourne. Cela nous invite à comprendre le conflit entre la matière qui absorbe l’esprit pour exister, et l’esprit qui assimile la matière, car elle est sa propriété.

Le processus de la création

L’idée du cycle esprit-matière-esprit apparaît dans le processus de création. Hazrat Inayat Khan explique que la création émane de l’Être Divin, formée de Son propre Être, car rien d’autre n’existait. Bien que la création provienne de Lui, Son Être demeure inchangé.

Par la création, Dieu se donne un objet à connaître, car « Dieu est Beauté » et « la beauté veut se révéler ». La création est « le cadre du miroir », et l’homme « le miroir par lequel Il Se voit ». En observant le monde, Dieu contemple Sa réflexion dans les âmes-miroir et, finalement, « Se libère Lui-Même et jouit de la conscience du tout. ».

Ce désir de réalisation divine aboutit à l’homme. Rochers, plantes et animaux furent créés pour cela. En l’homme, Dieu remplit Son désir de Se connaître, réunissant l’univers en lui. Ainsi, le but de l’homme est lié au but divin : devenir idéal et conscient de « l’état d’existence originel » que son esprit ignorait faute d’un objet à contempler.

Le voyage de l’âme

L’âme accomplit son but à travers un vaste cycle, souvent décrit comme le voyage de l’âme. Partant de son origine, qui est aussi son but, elle traverse divers plans : sphère des anges, sphère des « génies », et enfin la terre, où elle reçoit un corps physique. Pendant ce parcours, l’âme accumule expériences et impressions. Toujours attirée vers sa source, l’âme entame son voyage de retour lorsque son objectif terrestre est accompli, n’ayant plus rien pour la retenir. Elle se retire naturellement, comme on aspire son souffle ».

Hazrat Inayat Khan interroge : « Quel est ce voyage de l’âme, de sa source à la manifestation et retour ? »

Il qualifie ce voyage de changement d’expérience, une histoire où l’âme n’a jamais été absente, . Selon une description philosophique, l’âme traverse sept stades : de la Conscience à l’existence physique, oubliant ses expériences passées en raison de l’éclat de cette vie concrète. Le voyage de retour commence lorsque l’âme devient consciente de son état, avançant vers un point où il ne reste rien à percevoir, atteignant alors la pure Conscience et la liberté des limitations. L’aventure de l’âme s’achève lorsqu’elle est attirée par l’Esprit divin, trouvant une joie inexprimable en s’unissant à Lui.

Ce voyage, qui n’en est pas un, ressemble à un film projeté sur un écran. L’écran montre les luttes et joies de la vie, et lorsque tout est terminé, il redevient vide, absorbant tout. Ce vide initial et final contient tout, illustrant l’Esprit créant, menant la création à son but, puis l’assimilant et l’annihilant.

Le but de la manifestation

Pourquoi cette manifestation où l’esprit se retrouve pris dans sa propre création, dans le but de retourner à son origine ?

Quel est le but de l’homme dans la vie ? Être un miroir ; purifier le moi pour que l’Etre Entier s’y reflète, permettant au Créateur de Se réaliser à travers ce miroir.

Concernant l’homme idéal ou le Soufi accompli : Il devient un lien conscient entre esprit et matière, si étroit que son être matériel rayonne de la vie de l’esprit, perceptible dans sa voix, son expression, son corps et sa présence. Le peu de son existence mortelle retourne à l’esprit, son ego déjà transmué en esprit, ce qui est la vraie résurrection.

En résumé : Si un Soufi devait répondre au but de la création, il dirait que le Connaissant, l’unique Connaissant, voulait Se connaître. Pour cela, Il devait Se rendre intelligible à Son propre Etre, car l’Intelligence, bien qu’étant un être, ne se connaît pas sans objet intelligible. Ainsi, le Connaissant Se manifeste, devenant objet à connaître, atteignant la perfection. La conscience de perfection est le but ultime de toute manifestation. » Et pour l’homme ? « C’est dans la connaissance du moi que réside l’accomplissement de la vie : connaître son corps, son mental, son esprit, leurs relations, ses besoins, vertus, failles, désirs et renoncements. En plongeant dans cette connaissance, un être découvre un monde infini de compréhension, révélant la nature humaine, la création entière, et, finalement la connaissance de l’Etre Divin.

Cette « vision profonde de la nature humaine » qui mène à « l’atteinte de la connaissance de l’Etre Divin » peut être considérée comme une introduction au thème suivant : la Psychologie.

Les Cahiers

Cahier n° 1 :

L’esprit et la matière

Le cahier débute par une réflexion sur l’illusion et la réalité. L’esprit et la matière ne font qu’un ; la matière condense l’esprit et l’objective. Ce que nous voyons semble réel, mais change et disparaît. La réalité se trouve au cœur des choses, car la matière n’existe pas sans l’esprit, qui se manifeste en elle.

Ce processus s’explique par la capacité, une forme créée pour que la vie produise une substance, et par les vibrations qui connectent le monde intérieur à la terre, donnant forme à la vie. Ces vibrations obéissent à la loi du rythme.

Dans la manifestation de l’Être Unique, on observe un triple aspect développé dans une étude sur lumière et intelligence, mais ces trois aspects existent en tout. La nature a aussi un double aspect, nécessitant des opposés pour que chaque chose et chaque être accomplissent leur but. Une vision profonde révèle l’unité entre Création et Créateur, entre esprit et matière, sans séparation ni chaînon manquant.

L’âme est comparée à un rayon de soleil : bien qu’on en voie plusieurs, elles proviennent de l’Unique Esprit. « Elles sont et ne sont pas » : elles existent à nos yeux, mais émanent du Seul Être. Comme le dit le premier chapitre : « Connaître et aimer la réalité, c’est s’approcher du but, qui est la réalité elle-même. »

Cahier n° 2 :

La compréhension du processus de la manifestation grâce à la connaissance de sa nature

Ce cahier approfondit les thèmes du précédent, explorant l’illusion masquant la réalité, l’âme, l’esprit, la matière, la philosophie de la forme, la vie, la mort et la lumière.

Dans « Le Secret de l’Esprit », il est expliqué comment l’Être Unique, originel et indivisible, devient multiple à travers la manifestation. La philosophie de la lumière et de la forme illustre ce processus : « De la lumière sans forme ni couleur naquit une manifestation riche en formes, noms et couleurs ». Cependant, derrière cette multiplicité se cache un seul esprit : « Comme des lumières électriques alimentées par un courant unique, la manifestation montre le multiple, mais sa source reste unique. »

La nature de la manifestation est aussi abordée à travers la conscience, sujet également abordé sous le Thème de la psychologie. Philosophiquement, la création commença quand une Conscience émergea de l’Absolu, devenant la source de toute manifestation. Chaque être vivant porte cette conscience, et « tous tendent vers davantage de conscience ».

Hazrat Inayat illustre ce lien : « Le mental et le corps limitent une part de la Conscience totale, appelée l’âme. Comme une lanterne projetant son halo, les impressions se reflètent sur l’âme, la séparant de la Conscience… L’âme, autrefois unie à la Conscience, aspire à s’y réunir. Toutes les âmes reviennent à Dieu. »

Ce Cahier n° 2 donne un aperçu de la manifestation, ses formes et aspects variés. Les cahiers n° 3 et 4 approfondiront la création, ses buts, ses éléments et les mondes qu’elle contient.


Cahier 3 :

La perfection de dieu manifestée dans sa création
La dualité dans la nature
Le sexe

Ce cahier illustre le désir de Dieu de Se connaître sous divers angles. « Le monde a été créé pour être conscient de : que suis-je ? » Le Créateur, dans Sa joie, a produit toujours plus, cherchant à découvrir « ce que je suis » à travers « ce que je peux créer ». La création, initiée dans la joie, visait l’extase de l’amour.

Hazrat Inayat décrit la perfection ainsi : « La Conscience reconnaît l’être extérieur, et lorsque cet être reconnaît la Conscience, cela mène à l’extase : l’esprit devient matière, et la matière esprit. Toute manifestation permet à Dieu de goûter l’extase d’être à la fois Amant et Aimée, admirant Sa royauté et beauté. Une fois cette extase atteinte, le but de la création est accompli ».

L’image de l’amant et de l’aimée symbolise la dualité de Dieu, avec Ses forces expressive et réceptive présentes dans toute la création. « Pour produire ce monde, l’Être Unique dut devenir deux, et ces deux devaient être différents ». Hazrat Inayat souligne l’importance de l’impulsion sexuelle : « C’est la vie divine en l’homme, et elle doit circuler sans interruption, réalisant Son dessein de créer et recréer, bâtissant des temples non faits de mains humaines, où Dieu réside ». Les chapitres sur le sexe explorent les différences entre les sexes, la passion et la formation de l’enfant, décrivant la sexualité comme sacrée. Ce sujet sera approfondi dans le cahier n° 4.

Les chapitres «Mariage» et «Vie de l’Homme» explorent la perfection par l’élargissement de la conscience, qui détourne la sympathie de soi. L’amour, expansif par nature, s’étend à l’autre, puis au monde entier. La création de l’idéal par la dévotion est décrite comme « une image d’une forme ou vertu qui libère le dévot de son moi imparfait, l’élevant vers l’idéal. Quand le dévot est conscient de cet idéal, son moi imparfait disparaît, et il se réjouit dans la vision de l’être idéalisé, qu’il crée en vérité à partir de lui-même ».

Cahier 4 :

La manifestation de l’invisible dans l’existence matérielle.
L’expérience de l’âme à travers les différents plans d’existence

Ce cahier examine comment l’Invisible se manifeste dans le monde matériel.

Selon le Coran, le monde naît de l’obscurité. Hazrat Inayat décrit cette obscurité comme un état inconnu, imperceptible, que les mots ne peuvent définir. Ceux qui en sont conscients l’appellent Dieu, l’Être Unique, sans forme ni limite. Les mystiques la voient comme une Conscience éternelle, un calme absolu où la Conscience n’a pas conscience d’elle-même. Cette obscurité est l’origine et la fin de tout.

À travers quatre étapes, la Conscience devient consciente, d’abord de son existence, comme un miroir vide, avant de désirer observer, aimer, et créer, culminant avec l’humain idéal, qui reconnaît son immortalité. Ainsi, « le Connaissant se connaît Lui-même, et le but de la vie est atteint ».

La manifestation suit sept plans ou cieux, chaque étape reflétant l’évolution matérielle de l’esprit. Une « carte de la manifestation » illustre ces cieux, reliant l’univers à l’Absolu. Deux forces, d’expression et de réponse, agissent à tous les niveaux, permettant à l’âme de s’incarner. Par amour et action, l’âme trouve sa place dans la matrice maternelle.

Ce cahier révèle des aspects méconnus : les sept cieux, les êtres des cinq éléments, le monde des anges, et les caractéristiques des éléments influençant la création et l’humanité. Ces descriptions reflètent une vision mystique où la bénédiction divine s’exprime par une perception profonde, embrassant le visible et l’invisible. La seconde partie explore l’Expérience de l’Ame à travers divers plans. Elle décrit l’âme, sa destinée, son but, ses expériences à travers le corps et l’esprit, et son rayonnement sous forme d’inspiration. Par cette inspiration, « le secret de la vie et de la nature est révélé ». Ces « leçons » résument les Cahiers précédents, en facilitent la compréhension et ouvrent la voie aux suivants.

Cahier 5 :

Le grand cycle de l’âme

Ce cycle de l’âme comporte trois phases : l’âme se dirige vers la manifestation, traverse le ciel des anges et la sphère des djinns; l’âme vit l’expérience terrestre dans un corps humain; enfin, elle retourne à son origine, quittant les mondes parcourus. Ces étapes révèlent des mondes invisibles à l’homme, comme les anges et les djinns, des âmes restées à un stade intermédiaire pouvant être envoyées sur terre pour une mission. Hazrat Inayat a suscité de nombreuses questions à ce sujet dans ses conférences. En se dirigeant vers la terre, l’âme traverse ces plans, accumulant des influences qu’elle apporte sur terre, transformant ainsi son état originel. Les âmes allant et revenant de la terre se croisent, partageant expériences et mérites. Celles qui descendent, riches d’extase divine mais pauvres en ressources terrestres, reçoivent des impressions d’âmes remontantes qui influenceront leur vie terrestre.

En continuant son chemin, l’âme entre dans le plan physique via « le canal du souffle », acquérant un corps adapté à ce monde. Elle apporte un « corps lumineux des cieux angéliques » et un « corps d’impressions des djinns », pour fonctionner dans un corps humain, offert par l’univers. L’âme s’identifie à ce corps, mais un jour, le quitte « comme on abandonne un manteau inutile ». Après un temps dans les mondes subtils, elle abandonne aussi ces corps et « embrasse la source d’amour, d’harmonie et de beauté » qui l’a guidée. Réalisant l’illusion de s’être identifiée à ces reflets, l’âme atteint la pleine conscience : « J’existe ». Ainsi, le « Grand Cycle de l’Ame » illustre son voyage, de l’origine à l’accomplissement.

Cahier 6 :

L’origine et la continuité de la vie

Ce cahier explore la manifestation, la vie, la mort et l’origine de la vie. Il traite de l’âme, de son origine, de son « voyage » et de sa « nostalgie du retour ». Bien que certaines idées des cahiers précédents réapparaissent, une lecture attentive apporte de nouvelles perspectives. Pir-o-Murshid Inayat Khan condense souvent des idées complexes en un seul chapitre. Ce cahier aborde aussi le karma et la réincarnation selon la vision soufie. L’homme n’est pas une machine dépendante du passé, mais un ingénieur maître de ses actes. Hazrat Inayat avertit : « Plus vous devenez conscients de la réalité, moins vous vous attachez à votre petit moi. » En voyant la vie comme un tout, on découvre le secret de la libération spirituelle.

Une réflexion sur la destinée et le libre arbitre souligne leur union. La volonté divine s’accomplit lorsque le libre arbitre agit en harmonie avec elle. Quelle part de nous est divine, quelle part est humaine ? Tant que la conscience extérieure domine, le « petit moi » obstrue la vue. Seul l’amour, « le grand solvant », peut dissoudre ce moi. Comprendre la relation entre l’homme et Dieu nécessite d’oublier la fausse identité acquise depuis la naissance et de bien employer la connaissance divine. Le dernier chapitre, La liberté de l’âme, conclut : « Il n’y a pas de liberté sans mort ; tel est le secret des Soufis. » Cela signifie s’oublier, comme un acteur disparaît pour son rôle. Cet oubli révèle la véritable liberté et le sens de la vie.

Cahier 7 : Le but de la vie

En explorant les cahiers de Philosophie, le « But de la Vie et de la Création » se clarifie, notamment le lien entre le but de la vie individuelle et celui de la création. La création humaine marque l’apogée du processus créatif. Chaque âme a un but extérieur, mais tous convergent vers le plan divin et le but intérieur : que Dieu se connaisse Lui-Même. L’homme suit cinq désirs essentiels : vivre, savoir, exercer le pouvoir, trouver le bonheur et atteindre la paix. Leur réalisation conduit à l’accomplissement du but universel. En poursuivant ces désirs, l’homme découvre son essence et progresse vers la perfection.

Plusieurs chemins sont proposés. D’abord, il y a le dharma, le devoir et la responsabilité, souvent liés à la religion, car « l’esprit du devoir est l’âme de la religion ». Ensuite, l’homme doit apprendre à « utiliser cette terre fertile au meilleur avantage de celle-ci« . La relation de l’âme avec la terre contient un secret menant au but de la vie. Percevoir la beauté du monde devient un acte spirituel. « En répondant à la beauté, l’homme s’élargit, permettant à l’âme de déployer l’Esprit divin ». Chaque âme aspire à la perfection, avançant avec courage et espoir, car « tout sera perfectionné avec le temps ».

Dieu, voulant Se connaître, devint objet de connaissance. Le but de la vie est que l’Être Unique clarifie Son Unité. Dans ce monde varié, aucune forme n’est identique à une autre. « Dans la création de Dieu, il n’y a pas de compétition ». Chaque être unique révèle, à ceux qui savent voir, l’existence de l’Être Seul et Unique.

Cahier 8 : L’étude des forces créatrices de la vie à travers le sexe

Ce dernier cahier sur la Philosophie est à aborder après avoir exploré la dualité dans la création, les qualités opposées de l’existence et la notion du sacré, notamment dans la relation homme-femme, le mariage et les relations sexuelles. Il affirme : « L’unité est dans le schéma de toutes choses, et l’harmonie gouverne l’existence ».

Dans un passage sur le mariage, on lit : « Chaque atome s’adapte à sa place, attirant ou étant attiré vers une perfection qui justifie son existence. Même dispersées, toutes les particules finissent par se réunir. Tel est le secret de l’existence ». Ce regard profond sur la création éclaire l’idéalisation des relations homme-femme et des qualités qu’elles développent, comme dans les descriptions des amants, de l’aimée, de la modestie, de la beauté ou de l’esprit chevaleresque.

Sur la cour, il est dit : « Une cour sincère est une religion, car aucun enseignement ne dépasse l’amour ». Le célibat, la monogamie et la polygamie sont vus comme des voies humaines vers un idéal.

Dans le chapitre sur la perversion, il est écrit : « Chaque organe est développé pour un but précis… Les organes de la génération, façonnés pour la procréation, détournés de leur fonction, créent le désordre ». À propos de la prostitution, Hazrat Inayat Khan montre encore une tendance à l’idéalisation : « Par pauvreté, la prostituée vend son corps pour de l’argent, mais le moindre prix qu’un homme puisse lui offrir est son cœur ».

Le cahier conclut sur la morale humaine et l’interdépendance des vies : « L’esprit est Un. C’est lui qui unit et donne la vie ».